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  • 16/07/2025

Platine : L’Afrique, géant extractif en quête de souveraineté industrielle

Alors que le platine devient un métal stratégique au cœur des transitions énergétiques mondiales, la cinquième édition de la Shanghai Platinum Week (SPW), tenue en juillet 2025, a confirmé l’importance croissante de la Chine dans la demande globale. Pourtant, cette dynamique met en lumière un paradoxe : l’Afrique, premier fournisseur mondial de platine, reste en retrait dans les grandes décisions économiques et industrielles qui façonnent l’avenir de ce métal.

 

L’Afrique, épicentre de la production mondiale

 

Le platine est extrait en très grande majorité du sous-sol africain. L’Afrique du Sud et le Zimbabwe concentrent à eux seuls plus de 70% de la production mondiale, selon le World Platinum Investment Council (WPIC).

 

Cette position dominante sur l’offre contraste fortement avec la faible intégration des pays producteurs dans la chaîne de valeur industrielle.

 

Malgré cette richesse, l’Afrique souffre d’un déficit d’infrastructures de transformation. Il n’existe à ce jour aucune raffinerie de référence internationale sur le continent.

 

La recherche appliquée sur les usages industriels du platine — notamment pour l’hydrogène ou les catalyseurs — reste embryonnaire. Le continent se contente d’exporter la matière première, tandis que les innovations se développent ailleurs.

 

Une demande dominée par la Chine

 

Le WPIC souligne l’évolution spectaculaire de la demande : la Chine a représenté 64% de la demande mondiale de lingots et pièces en platine en 2024, contre seulement 11% en 2019.

 

Cette hausse s’explique par plusieurs facteurs : la montée du prix de l’or, l’essor de la joaillerie en platine, et le développement rapide des technologies liées à l’hydrogène.

 

Pourtant, la Chine ne produit presque aucun platine. Elle dépend massivement des importations, en particulier africaines. Ce déséquilibre révèle une vulnérabilité chinoise, mais aussi une opportunité stratégique majeure pour les États producteurs.

 

Un levier économique encore peu exploité

 

Les pays africains disposent d’un levier géoéconomique réel. Ils pourraient peser davantage dans les négociations commerciales, conditionner les exportations à des investissements industriels ou structurer une stratégie de transformation locale.

 

Mais ce potentiel reste sous-exploité. L’absence de coordination régionale, de vision industrielle commune et de gouvernance intégrée empêche une valorisation optimale du secteur.

 

Comme le rappelle Trevor Raymond, DG du WPIC : « L’investissement en platine est un mécanisme naturel pour sécuriser l’approvisionnement d’un métal stratégique, surtout dans les pays sans sources domestiques ».

 

Les producteurs pourraient eux aussi bâtir une politique proactive, à la hauteur de leurs ressources.

 

Hydrogène : une transition sans l’Afrique ?

 

La transition vers l’économie de l’hydrogène est l’un des moteurs clés de la future demande en platine. Les électrolyseurs à membrane (PEM), qui utilisent du platine, devraient représenter 40% des capacités mondiales d’électrolyse d’ici 2030.

 

L’Afrique du Sud dispose à la fois du platine et d’un fort potentiel solaire, condition idéale pour produire de l’hydrogène vert.

 

Mais les projets industriels restent marginaux. Pendant que la Chine accélère, l’Afrique prend du retard. Elle possède pourtant les ressources et l’environnement pour jouer un rôle stratégique dans cette nouvelle filière énergétique.

 

Rééquilibrer la chaîne de valeur mondiale

 

La Shanghai Platinum Week a rassemblé les principaux acteurs du secteur, y compris Valterra Platinum, Implats, Northam et Tharisa.

 

Leur présence témoigne d’un intérêt croissant, mais leur capacité d’influence reste limitée. L’Afrique est présente, mais rarement en position de leadership.

 

Sans stratégie continentale ni montée en compétence industrielle, le continent risque de rester un simple fournisseur, privé de valeur ajoutée. Investir dans la transformation locale, la recherche et la diversification des débouchés devient une urgence.

 

Ce qu’il faut retenir

 

- L’Afrique produit plus de 70% du platine mondial, mais transforme très peu localement.

 

- La Chine concentre désormais la majorité de la demande, sans production domestique.

 

- L’essor de l’hydrogène pourrait faire exploser la demande mondiale.

 

- L’Afrique dispose d’un levier stratégique qu’elle n’exploite pas encore pleinement.

 

- Seule une stratégie collective de transformation peut inverser ce déséquilibre.

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