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  • 01/08/2025

Loyer et logement en Côte d’Ivoire : Quand les briques racontent l’économie

En Côte d’Ivoire, le coût du loyer est bien plus qu’un chiffre : c’est un miroir social. Derrière chaque montant payé mensuellement par les ménages se cachent des réalités économiques, des arbitrages de construction, et des choix politiques souvent ignorés. C’est ce que révèle l’étude récemment publiée par l’Agence Nationale de la Statistique (ANStat) sur le coût du loyer et les types de construction à travers le pays.

 

Cette publication, passée inaperçue dans les radars médiatiques, lève pourtant le voile sur un pan entier de notre quotidien urbain et périurbain : combien coûte réellement un logement et à quoi ressemble-t-il ?

 

Des constructions qui en disent long

 

L’étude distingue trois grandes catégories de construction :

 

-      Les habitations en matériaux définitifs (ciment, béton, toiture solide)

 

-      Les logements en matériaux semi-définitifs (mélange de briques, bois, tôles)

 

-      Les constructions précaires (souvent en terre, paille ou planches)

 

Sans surprise, plus la construction est solide, plus le loyer est élevé. Mais ce que montre l’ANStat, c’est l’ampleur de l’écart : un logement en matériaux définitifs peut coûter jusqu’à trois fois plus cher qu’une construction précaire de même surface. Une réalité qui touche directement les couches les plus vulnérables.

 

Le poids du loyer dans le budget

 

Selon l’Enquête Harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages (EHCVM) de 2021, plus de 60% des ménages urbains ivoiriens sont locataires. Et pour certains, le loyer représente plus de 30% des dépenses mensuelles, un seuil critique selon les standards internationaux.

 

Dans ce contexte, le document de l’ANStat agit comme un révélateur : il met en lumière l'inégalité d'accès à un logement de qualité, mais aussi la pression immobilière qui pèse sur les familles urbaines, notamment à Abidjan, Bouaké, San Pedro ou Yamoussoukro.

 

Matériaux et rentabilité locative

 

Un autre angle important de cette étude est la corrélation entre type de matériaux utilisés et rentabilité locative. En clair : les promoteurs qui investissent dans des matériaux solides réalisent un meilleur rendement à long terme, malgré des coûts initiaux plus élevés. C’est une donnée qui pourrait redessiner les stratégies d’investissement dans l’immobilier.

 

Comme l’indique l’économiste ivoirien Dr. Georges Kouadio : « L’étude de l’ANStat permet de poser les bases d’une réforme du logement social en Côte d’Ivoire. Elle fournit des outils objectifs pour orienter les aides publiques, les subventions ou les incitations fiscales. »

 

Vers une politique du logement basée sur les faits ?

 

La publication d’un tel rapport n’est pas anodine. Elle intervient à un moment où la crise du logement devient un sujet central dans les grandes villes africaines. Et contrairement à d’autres secteurs, le marché locatif souffre d’un manque de régulation claire. Ni plafonds, ni contrôle des hausses, ni obligation de qualité de construction.

 

La Côte d’Ivoire a certes annoncé plusieurs projets de logement social, mais sans données fiables, difficile de savoir si ces programmes répondent réellement aux besoins du terrain.

 

Ce que les décideurs doivent retenir

 

Ce document, sobrement intitulé Coût du Loyer et Types de Construction, offre une photographie rare et précieuse du parc immobilier ivoirien. Il doit être vu comme un outil de pilotage, non seulement pour les pouvoirs publics, mais aussi pour :

 

-      Les promoteurs immobiliers

 

-      Les organismes de crédit

 

-      Les syndicats de locataires

 

-      Les ONG travaillant sur les conditions de logement

 

Les briques ne mentent pas. À travers cette étude, l’ANStat met à nu les inégalités d’accès au logement, les logiques économiques du marché locatif, et les urgences d’une planification urbaine inclusive.

 

Plutôt que de bâtir à l’aveugle, il est peut-être temps que nos politiques s’appuient sur le ciment des statistiques.