MTN sous enquête à Washington : Un géant africain rattrapé par ses casseroles judiciaires

Le géant sud-africain des télécommunications MTN a confirmé lundi 18 août être visé par une enquête du ministère américain de la Justice (DoJ), concernant ses activités actuelles en Iran et passées en Afghanistan. L’annonce tombe au moment où les relations diplomatiques entre l’Afrique du Sud et les États-Unis traversent une zone de turbulences rarement atteinte.

Dans un communiqué publié avec ses résultats trimestriels, le groupe précise avoir été contacté par ses conseils juridiques américains au sujet d’une procédure initiée par un grand jury fédéral. L’affaire concerne notamment Irancell, opérateur iranien dont MTN détient 49% du capital depuis 2006. Déjà contestée par l’opérateur turc Turkcell, qui accuse MTN d’avoir obtenu la licence iranienne par des pratiques de corruption, cette implantation est désormais scrutée de près par Washington.

L’ombre des conflits au Moyen-Orient et en Asie centrale

Aux États-Unis, MTN est aussi poursuivi au civil par des vétérans de l’armée américaine et des familles de soldats tués en Irak et en Afghanistan, sur la base de la loi antiterroriste (ATA). Les plaignants soutiennent que certaines activités de l’opérateur auraient, directement ou indirectement, facilité le financement de groupes insurgés responsables d’attaques contre les forces américaines. Une plainte modifiée a été déposée le 6 août dernier, relançant le dossier devant les tribunaux américains.

Face à ces accusations, MTN se défend en affirmant « mener ses activités de manière responsable et en conformité avec la loi dans tous les territoires où il est présent ». Mais cette posture défensive ne suffit pas à éteindre les critiques, tant l’historique judiciaire du groupe est fourni.

Un palmarès judiciaire déjà bien chargé

Car l’enquête américaine ne fait que rallonger la liste des contentieux qui poursuivent MTN depuis plus d’une décennie :

• Affaire Turkcell (Iran) : L’opérateur turc réclame 4,2 milliards de dollars à MTN devant la justice sud-africaine, l’accusant d’avoir versé des pots-de-vin pour lui ravir la licence iranienne en 2006. Après des années de bataille procédurale, la Cour suprême d’appel d’Afrique du Sud a jugé en 2025 que l’affaire pouvait bel et bien être entendue à Pretoria. MTN tente désormais de porter le dossier devant la Cour constitutionnelle.
• Nigeria : l’amende record des SIM non enregistrées : En 2015, MTN Nigeria a écopé d’une sanction colossale de 5,2 milliards de dollars infligée par l’autorité des télécoms pour n’avoir pas désactivé plusieurs millions de cartes SIM non identifiées, considérées comme un risque sécuritaire. Après de longues négociations, la sanction a été réduite à environ 1,7 milliard de dollars, étalée sur plusieurs années.
• Afrique du Sud : hausse tarifaire sanctionnée : En 2025, le régulateur sud-africain ICASA a infligé à MTN une amende de 5 millions de rands pour avoir augmenté sans préavis le prix d’un forfait data dédié à WhatsApp.
• Litige fiscal avec le fisc sud-africain (SARS) : En 2022, MTN a perdu une bataille judiciaire sur la manière de comptabiliser la TVA sur ses cartes prépayées. La Cour d’appel a confirmé la position de l’administration fiscale.

Une diplomatie qui complique le tableau

L’offensive judiciaire américaine intervient alors que les relations entre Pretoria et Washington sont particulièrement tendues. L’Afrique du Sud est régulièrement ciblée par le président Donald Trump, qui accuse le gouvernement de « persécuter » les fermiers blancs descendants des colons européens. La décision de Pretoria de porter plainte contre Israël pour génocide devant la Cour internationale de Justice a encore dégradé les rapports bilatéraux.

Sur le plan économique, l’administration américaine a imposé à l’Afrique du Sud des droits de douane de 30% sur la majorité de ses exportations, le taux le plus élevé appliqué à un pays d’Afrique subsaharienne.

Une image ternie malgré un poids continental

Avec plus de 290 millions d’abonnés et une présence dans 18 pays, MTN reste le premier opérateur télécoms du continent. Mais la multiplication des affaires judiciaires, combinée à la fragilité des relations diplomatiques entre Pretoria et Washington, place l’entreprise dans une situation délicate.

Loin de l’image de « success story africaine », MTN s’impose désormais comme un cas d’école : celui d’une multinationale coincée entre ses ambitions d’expansion et le poids croissant des risques juridiques, réglementaires et politiques.