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  • 03/09/2025

Nationalisme minier : L’Afrique renforce sa quête de valeur ajoutée

Le débat sur la maîtrise des ressources minières africaines s’intensifie. À la conférence Africa Down Under (conférence annuelle organisée en Australie qui est devenue l’un des plus grands forums internationaux sur le secteur minier africain), tenue à Perth, la capitale de l’État d’Australie-Occidentale, diplomates, experts et responsables ont souligné la volonté des gouvernements africains, surtout en Afrique de l’Ouest, de tirer davantage profit de leurs richesses naturelles.

 

Pression pour plus de contrôle

 

La Haute-Commissaire australienne au Ghana, Berenice Owen-Jones, a rappelé que le nationalisme des ressources n’était pas nouveau. Mais sa résurgence est aujourd’hui motivée par des impératifs économiques.

 

« Nous avons assisté à l'émergence de nouveaux codes miniers en Afrique de l'Ouest […] mettant l'accent sur un contrôle réglementaire renforcé, une fiscalité accrue et un contenu local plus important », a-t-elle expliqué. Ces réformes s’accompagnent toutefois d’une multiplication des litiges et arbitrages.

 

Compétition internationale pour les minéraux critiques

 

La pression est d’autant plus forte que les minéraux critiques, essentiels aux chaînes d’approvisionnement mondiales, suscitent une compétition accrue. La Chine domine le secteur de la transformation, mais l’Australie cherche à renforcer sa présence. Ses entreprises ont déjà investi près de 30 milliards de dollars australiens dans neuf pays d’Afrique de l’Ouest. Des projets majeurs comme le gisement de fer de Simandou en Guinée ou la mine de lithium prévue par Atlantic Lithium au Ghana en sont l’illustration.

 

Une vision africaine assumée

 

Pour l’ambassadeur du Zimbabwe en Australie, Joe Tapera Mhishi, cette volonté de créer plus de valeur s’inscrit dans la stratégie de l’Union africaine. « La question de la valeur ajoutée en Afrique […] a gagné en crédibilité », a-t-il affirmé. Il a appelé à des partenariats stratégiques avec l’Australie, notamment après l’adoption par Canberra d’une politique de stockage des minéraux critiques.

 

Risques juridiques et incertitudes

 

Mais tous ne partagent pas le même enthousiasme. La juriste Kate Apostolova, associée chez Clifford Chance, a mis en garde contre les changements unilatéraux de contrats : hausse soudaine des taxes, augmentation de la participation de l’État après des découvertes.

 

« L'argent circule là où il y a de la certitude. Si les risques géopolitiques et réglementaires augmentent, les financements pour développer la mine sont moins nombreux », a-t-elle averti. Elle recommande le recours aux traités bilatéraux d’investissement (TBI), qui rassurent les investisseurs et facilitent l’accès au financement.

 

« L’Afrique jugée trop sévèrement »

 

En réaction, le Haut-Commissaire de Zambie en Australie, Elias Munshya, a dénoncé les stéréotypes autour du risque africain : « Sur 54 pays, quatre peuvent être problématiques, mais 50 autres sont très sûrs, politiquement stables et dotés de systèmes juridiques similaires à celui de l'Australie. Pourtant, on nous traite encore comme si le continent tout entier était à haut risque. »

 

Enjeux sécuritaires

 

Au-delà des aspects économiques et juridiques, la sécurité reste une préoccupation majeure. L’instabilité au Sahel alimente le nationalisme des ressources et fragilise l’investissement. Pour accompagner les entreprises, l’Australie organise chaque année à Accra une Conférence sur la sécurité minière en Afrique de l’Ouest.

 

Un équilibre encore fragile

 

Le président d’Argonaut, Liam Twigger, a résumé le dilemme : « Le capital est fluide et va là où il est voulu et respecté – et peut partir en un clin d’œil. » Pour l’Afrique, le défi sera donc de défendre ses intérêts souverains tout en restant attractive dans la compétition mondiale pour les ressources stratégiques.