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  • 14/07/2025

Nigéria : La Banque centrale fait le pari de la recherche pour redéfinir sa stratégie économique

Face aux défis persistants de l’économie nigériane, la Banque centrale mise sur la connaissance. Son nouveau programme, le CBN-KAP, veut replacer la recherche au cœur de la politique monétaire et financière.

 

Comment mieux encadrer les flux de capitaux, anticiper les risques systémiques liés aux fintechs, ou encore renforcer l’emploi à travers une croissance inclusive ? Autant de questions stratégiques que la Banque centrale du Nigéria (CBN) souhaite explorer avec le lancement de son Knowledge Acceleration Programme (CBN-KAP).

 

Ce programme inédit, organisé sous forme d’ateliers thématiques compétitifs, se tiendra à Abuja en août 2025. Il cible les chercheurs nigérians, invités à soumettre des propositions sur des sujets multidisciplinaires liés à la richesse nationale, au développement humain ou à la compétitivité internationale. Objectif : transformer des projets de recherche en outils concrets d’aide à la décision.

 

Des enjeux économiques pressants

 

Le Nigéria traverse une période d’incertitude économique marquée par une inflation élevée (28,9% en glissement annuel en mars 2025, selon la National Bureau of Statistics), une pression continue sur le naira, ainsi que des déséquilibres récurrents de sa balance des paiements. Face à ces vulnérabilités, la CBN entend renforcer ses capacités d’analyse pour appuyer des politiques économiques fondées sur des données probantes.

 

Dans un communiqué publié le 11 juillet 2025, Aderinola Shonekan, directrice du département recherche, explique que le programme vise à « structurer la production de savoirs applicables » pour renforcer le rôle de la Banque comme conseiller stratégique du gouvernement.

 

Trois axes de réflexion pour nourrir la réforme

 

Les propositions attendues devront s’inscrire dans l’un des trois axes suivants :

 

- Croissance, revenus et emploi : pour explorer les moteurs d’un développement plus inclusif.

 

- Finance internationale et stabilité macroéconomique : afin d’analyser les dynamiques de change, les flux de capitaux (IDE, portefeuille) et la mobilisation des ressources domestiques.

 

- Régulation bancaire et nouvelles technologies : avec un focus sur les fintechs, les flux financiers illicites, les paiements numériques et les risques émergents liés à la transformation digitale.

 

Ces thématiques sont loin d’être théoriques. L’essor rapide des acteurs non bancaires, notamment les fintechs comme Flutterwave ou Paystack, soulève des défis inédits pour la régulation. Le FMI notait déjà en 2024 que les pays d’Afrique de l’Ouest « accusent encore un retard d’encadrement sur ces acteurs, exposant leurs systèmes financiers à une opacité et des risques hors bilan mal maîtrisés ».

 

Une méthodologie rigoureuse, une ambition claire

 

Pour participer, les candidats doivent soumettre une proposition de deux pages maximum entre le 15 et le 22 juillet 2025. Chaque dossier devra présenter une problématique clairement définie, sa pertinence, et la méthodologie envisagée. Les chercheurs sélectionnés seront invités à présenter leur projet lors d’un atelier, dans une logique de travail collaboratif et d’amélioration par les pairs.

 

La sélection accordera une attention particulière aux propositions traitant des risques systémiques émergents. Cela inclut notamment les activités hors bilan des institutions financières, les mécanismes d’auto-régulation, ou encore les technologies de détection des fraudes en contexte d’incertitude.

 

Vers une culture de la décision fondée sur la connaissance

 

En s’inspirant du modèle de banques centrales comme la Réserve fédérale américaine ou la Banque d’Angleterre, qui disposent de puissants centres de recherche intégrés, la CBN cherche à institutionnaliser l’intelligence économique dans son processus décisionnel.

 

Cette évolution arrive à un moment où les réponses purement administratives montrent leurs limites. Dans un entretien accordé à BusinessDay Nigeria en mai 2025, le gouverneur Olayemi Cardoso soulignait : « Pour répondre aux défis complexes de notre économie, il nous faut des solutions fondées sur la connaissance, pas sur des intuitions politiques ».

 

Construire une expertise locale forte

 

Au-delà des ateliers, le CBN-KAP vise à bâtir une communauté de recherche appliquée capable d’éclairer durablement les choix stratégiques du pays. À terme, ces travaux pourraient nourrir la conception de nouvelles politiques monétaires, de réformes bancaires ou de stratégies de développement plus résilientes.

 

Le rendez-vous est donc fixé à Abuja dès le mois d’août. Une initiative discrète en apparence, mais qui pourrait bien marquer un tournant pour l’intelligence économique au Nigéria.

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