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  • 14/07/2025

Bonne gouvernance / Ghana : Un exercice de transparence inédit pour restaurer la confiance

Le gouvernement ghanéen lance ce lundi 14 juillet 2025, une initiative inédite pour renforcer la transparence et la redevabilité dans l’action publique. Intitulée Government Accountability Series, cette série d’interventions ministérielles, prévue trois fois par semaine, vise à présenter les résultats sectoriels à mi-parcours. Une démarche qui s’inscrit dans un contexte économique encore fragile et sous étroite surveillance internationale.

 

Un exercice de redevabilité inédit

 

Selon le communiqué publié par le Bureau des communications de la Présidence, le 13 juillet, la série offrira un cadre régulier de communication entre les ministres et l’opinion publique. Chaque lundi, mercredi et vendredi à 11 heures, un membre du gouvernement présentera une évaluation provisoire des actions menées dans son domaine au cours des six derniers mois.

 

C’est le ministre de l’Intérieur, Muntaka Mohammed-Mubarak, qui ouvrira cette série, avec une intervention attendue sur la sécurité intérieure, la gestion des conflits communautaires et la réforme du secteur policier.

 

L'objectif affiché : améliorer l’accès à l'information, valoriser la performance publique et répondre aux critiques récurrentes sur le manque de transparence dans la gestion de l'État.




Une initiative lancée sous contrainte

 

Cette ouverture intervient dans un climat marqué par des attentes élevées, tant de la population que des institutions internationales. Le Ghana tente depuis plus de deux ans de sortir d’une crise économique profonde. En 2022, le pays avait suspendu le service d’une large partie de sa dette extérieure, alors que le ratio dette/PIB dépassait 93%. L'inflation avait atteint 54% en janvier 2023, tandis que le cedi s'effondrait face au dollar.

 

Pour contenir cette spirale, le gouvernement a signé un programme triennal avec le Fonds monétaire international (FMI), assorti d’un prêt de 3 milliards de dollars. À ce jour, 2,3 milliards ont été décaissés. En parallèle, une restructuration de la dette extérieure, évaluée à 2,8 milliards de dollars, a été négociée avec les créanciers officiels et les détenteurs d'euro-obligations.

 

Mais ces soutiens financiers sont conditionnés à des réformes rigoureuses, notamment en matière de gouvernance, de lutte contre la corruption et de gestion budgétaire.

 

Double pression : internationale et citoyenne

 

Derrière la Government Accountability Series, se lit donc une volonté de répondre à une double pression. Celle du FMI d’une part, qui lors de sa dernière revue de juin 2025, a salué les progrès en matière de discipline budgétaire mais exigé « une transparence accrue dans la gestion des entreprises publiques et des marchés publics » (source : imf.org, juillet 2025). Celle des citoyens d’autre part, dont la confiance s’est érodée à mesure que les conditions de vie se détérioraient.

 

Depuis 2020, plusieurs organisations locales, telles que le Centre for Democratic Development (CDD-Ghana) ou la Ghana Integrity Initiative, réclament une reddition de comptes plus régulière et plus accessible. Les contrats dans les secteurs minier, énergétique ou de la commande publique sont régulièrement critiqués pour leur opacité.

 

Des réformes déjà entamées, mais encore fragiles

 

La série annoncée vient compléter une série de dispositifs déjà amorcés depuis 2023. Le gouvernement a notamment mis en place un Fiscal Responsibility Advisory Council, chargé de veiller au respect des plafonds de déficit et de dette. Une base de données sur la dette publique, enrichie avec le soutien du FMI, est désormais accessible au public, même si elle reste partielle.

 

Par ailleurs, le ministère des Finances développe un portail budgétaire interactif, actuellement en version pilote, permettant de suivre les dépenses par programme et par région. Dans le secteur des marchés publics, la réforme de la Public Procurement Authority impose désormais la publication des appels d’offres, des attributions et des contrats exécutés.

 

Les entreprises publiques, longtemps pointées du doigt pour leur gestion opaque, font désormais l’objet d’audits annuels obligatoires. Des indicateurs de performance ont été introduits dans plusieurs d’entre elles, en particulier dans l’énergie, l’eau et les transports.

 

Malgré ces avancées, des acteurs de la société civile jugent les résultats encore mitigés. L’absence de poursuites dans certaines affaires emblématiques, comme celles liées aux royalties minières ou à certains contrats énergétiques, continue d’alimenter la méfiance.

 

Une initiative à fort enjeu politique

 

Pour les observateurs, la Government Accountability Series constitue un test décisif. Si elle permet une communication honnête, chiffrée et ouverte, elle pourrait instaurer une culture de reddition de comptes durable. Mais si elle se limite à une série de discours promotionnels sans véritable confrontation aux faits, elle risquerait de renforcer le scepticisme ambiant.

 

Dans une tribune publiée sur Myjoyonline, Dr Kojo Asante, directeur de la gouvernance au CDD-Ghana, souligne : « La transparence ne peut pas être un événement médiatique. Elle doit devenir une culture institutionnelle. »

 

Même prudence du côté de Dr Patrick Stephenson, économiste politique ghanéen, cité par The Ghana Report : « Le vrai test sera la capacité du gouvernement à admettre ses failles, à présenter des données vérifiables et à engager des réformes correctives en public. »

 

Ce qu’il faut retenir

 

- Nom de l’initiative : Government Accountability Series

 

- Fréquence : trois fois par semaine (lundi, mercredi, vendredi à 11h)

 

- Premier intervenant : ministre de l’Intérieur, Muntaka Mohammed-Mubarak

 

- Objectif : renforcer la redevabilité des ministres et la transparence publique

 

- Contexte : programme du FMI, crise économique, pression citoyenne

 

- Enjeux : crédibilité politique, confiance publique, attractivité financière

 

 

Une opportunité à ne pas manquer

 

Dans un pays où les tensions économiques se doublent d’un besoin croissant de légitimité politique, le lancement de cette série constitue un moment charnière. Le gouvernement ghanéen a l’occasion de transformer une obligation de communication en levier de gouvernance. Reste à voir si les actes suivront les intentions.

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