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  • 07/07/2025

Pêche : la Côte d’Ivoire reconduit son repos biologique pour préserver ses ressources halieutiques

Pour la troisième année consécutive, la Côte d’Ivoire prolonge en 2025 sa politique de fermeture saisonnière des pêches, instaurée en 2023. Cette mesure de régulation vise à restaurer durablement les stocks halieutiques du pays, tout en posant les jalons d’un modèle de pêche plus responsable.

Du 1er au 31 juillet pour la pêche artisanale maritime, et jusqu’au 31 août pour les pêches industrielles, les activités sont suspendues. Objectif : offrir aux espèces marines un cycle de reproduction optimal et assurer la viabilité d’un secteur à forte valeur économique et sociale.

Une politique aux résultats tangibles

Le « repos biologique », terme employé pour désigner cette fermeture réglementaire, a déjà produit des effets mesurables. Selon les chiffres communiqués par le ministère des Ressources animales et halieutiques, la production issue de la pêche artisanale a enregistré en août 2024 une hausse de 45% par rapport à 2022, et de 20% par rapport à 2023.

Ces chiffres sont interprétés par les autorités comme un signe de régénération des ressources halieutiques, souvent mises à mal par la surexploitation. Des retours similaires ont été observés sur le terrain, les pêcheurs rapportant des marées plus courtes mais plus productives.

Un enjeu écologique, mais aussi économique

Avec ses 566 kilomètres de littoral, la Côte d’Ivoire dispose d’un important potentiel halieutique. En 2022, ce sont près de 78 671 tonnes de poisson qui ont été capturées, selon les données officielles. Mais cette richesse naturelle reste fragile.

L’intensification de la pêche, parfois illégale ou non régulée, a mené à une raréfaction de certaines espèces. Un rapport de la Direction des pêches souligne que, sans mesure corrective, les stocks pourraient connaître un effondrement.

La fermeture saisonnière, conforme aux recommandations de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, constitue donc un levier de protection essentiel, notamment pour des espèces ciblées comme la sardine, le thon ou le maquereau. Par ricochet, cette pause contribue aussi à préserver les écosystèmes marins, dont l’équilibre est indispensable à la biodiversité.

Une pause qui a un coût pour les acteurs du secteur

Cette stratégie de durabilité ne va pas sans contraintes. Le secteur halieutique emploie directement environ 70 000 personnes, majoritairement des artisans et petits exploitants. Pour nombre d’entre eux, la période de fermeture, bien qu’encadrée, rime avec perte de revenus.

Le gouvernement, conscient de cet impact, s’est engagé à mettre en place des mécanismes d’accompagnement, incluant des subventions, des formations et des appuis à la reconversion temporaire. À plus long terme, les autorités visent une production nationale de 150 000 tonnes d’ici 2028, soit une progression de 91% par rapport à 2022. Pour le ministre Sidi Tiémoko Touré, il s’agit d’un pari sur l’avenir : « C’est un investissement pour les générations futures. »

Des initiatives élargies aux eaux continentales

L’effort de préservation ne se limite pas à la façade maritime. Des initiatives locales, qualifiées de « repos citoyen » et fondées sur le volontariat, émergent autour des lagunes Aby et Grand-Lahou, ainsi que sur les lacs de Buyo et de Kossou. Ces mesures, souvent impulsées par les communautés de pêcheurs elles-mêmes, sont appuyées par des équipes scientifiques chargées d’évaluer les stocks et d’adapter les pratiques.

Une stratégie régionale en devenir ?

Si la Côte d’Ivoire se distingue par la mise en œuvre d’une telle politique, elle n’est pas isolée. D’autres pays côtiers d’Afrique de l’Ouest sont confrontés aux mêmes enjeux : déclin des ressources, concurrence des chalutiers étrangers, et nécessité d’instaurer des systèmes de gestion durable.

L’expérience ivoirienne pourrait ainsi servir de modèle ou, à tout le moins, alimenter la réflexion régionale sur la gouvernance des ressources halieutiques.

Mais pour que cette stratégie soit pleinement efficace, des défis majeurs restent à relever : le renforcement de la surveillance maritime pour limiter la pêche illégale, l’élargissement des aides aux pêcheurs en difficulté, et l’amélioration de la traçabilité des produits halieutiques.

Une transition indispensable pour sauvegarder un mode de vie

En reconduisant cette mesure, les autorités ivoiriennes tentent de concilier préservation de l’environnement et pérennité économique. Les premiers résultats semblent encourageants. Mais la réussite de cette transition reposera sur la capacité du pays à accompagner ses pêcheurs, à faire respecter les règles, et à inscrire cette politique dans une démarche plus large de sécurité alimentaire.
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