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  • 22/07/2025

SITAB en 2024 : Croissance exceptionnelle des actifs, mais résultats dans le rouge

La Société Ivoirienne des Tabacs (SITAB), filiale du groupe britannique Imperial Brands, a dévoilé ses états financiers pour l’exercice clos au 31 décembre 2024. Ces chiffres traduisent une dynamique paradoxale : une forte expansion du bilan d’un côté, mais un net repli de la performance financière de l’autre. Un contraste révélateur des tensions qui traversent actuellement l’industrie du tabac en Afrique de l’Ouest.

 

Une expansion du bilan qui interroge

 

L’un des faits marquants du rapport 2024 est la progression spectaculaire des actifs de SITAB. L’actif total s’est établi à 94,9 milliards FCFA, contre 35,4 milliards en 2023 — soit une hausse de 168%. Cette évolution est principalement portée par la hausse des immobilisations corporelles et financières, ainsi que par une trésorerie consolidée. Si aucun détail n’est fourni dans le rapport sur la nature exacte de ces investissements, cette croissance pourrait traduire une stratégie d’expansion ou de modernisation des infrastructures.

 

Cependant, cette montée en puissance s’accompagne d’une augmentation parallèle du passif, qui atteint également 94,9 milliards FCFA. Ce gonflement du bilan sans amélioration concomitante de la rentabilité interroge les analystes sur la soutenabilité de cette dynamique d’investissement.

 

Chiffre d’affaires en hausse, résultat net en chute libre

 

Sur le plan de l’activité, SITAB enregistre une progression de ses revenus. Le chiffre d’affaires passe de 186,4 milliards FCFA en 2023 à 213,8 milliards en 2024, soit une hausse de 15%. Mais cette bonne performance commerciale est éclipsée par la flambée des charges, qui bondissent de 27%, pour atteindre 216,6 milliards.

 

Le résultat net bascule alors dans le rouge, affichant une perte de 1,58 milliard FCFA, contre un bénéfice de 15,4 milliards l’année précédente. Ce retournement s’explique par la hausse des coûts opérationnels, notamment les dotations aux amortissements et les charges liées au personnel, dans un environnement économique et réglementaire de plus en plus contraint pour l’industrie du tabac.

 

Un dividende maintenu malgré les pertes : un choix stratégique ?

 

Malgré cette contre-performance, SITAB affiche une trésorerie nette relativement stable à 7,18 milliards FCFA. Fait notable : le conseil d’administration propose le versement d’un dividende de 2,375 FCFA brut par action, soit 143 FCFA net par titre. Cette décision repose cependant sur un bénéfice net de 14,17 milliards FCFA, sans que le rapport n’indique clairement à quel exercice ce résultat correspond.

 

Il est probable qu’il s’agisse du résultat social (non consolidé) ou d’un reliquat non distribué des exercices précédents. Dans tous les cas, cette distribution apparaît comme un signal adressé aux actionnaires, traduisant la volonté de préserver leur confiance malgré un exercice déficitaire.

 

Un environnement économique de plus en plus hostile

 

Le contexte sectoriel en Côte d’Ivoire pèse lourdement sur les marges des entreprises comme SITAB. En 2024, les taxes sur les produits du tabac ont été relevées de 10%, selon les données officielles du ministère des Finances. Parallèlement, les campagnes de sensibilisation à la santé publique, relayées par les autorités et la société civile, contribuent à une érosion progressive de la demande locale.

 

Dans ce climat, SITAB doit revoir ses leviers de compétitivité. L’augmentation des immobilisations laisse penser que la société pourrait viser une expansion vers de nouveaux marchés régionaux ou miser sur une automatisation accrue. Mais ces investissements prennent du temps à se traduire en résultats tangibles.

 


En 2025, des attentes fortes sur la stratégie de redressement

 

L’Assemblée Générale Ordinaire prévue cette année est très attendue par les investisseurs, qui espèrent des éclaircissements sur la trajectoire stratégique de SITAB. La question centrale demeure : l’entreprise parviendra-t-elle à redresser la barre sans sacrifier ses ambitions de croissance ? Réduction des charges, diversification des produits ou recentrage sur les marchés les plus rentables sont autant de pistes sur la table.

 

Une chose est certaine : 2024 restera comme une année de rupture pour SITAB. Le géant du tabac ivoirien se trouve désormais à la croisée des chemins, entre impératif de rentabilité et nécessité d’adaptation dans un secteur en profonde mutation.