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  • 01/08/2025

Tanzanie : 15 métiers interdits aux étrangers, tensions en vue

La Tanzanie a décidé de réserver 15 secteurs économiques aux seuls citoyens tanzaniens, une mesure audacieuse qui fait déjà des vagues. Publiée le 28 juillet 2025 dans le journal officiel, cette nouvelle réglementation interdit aux étrangers d’exercer des activités comme la coiffure, la restauration, le commerce de détail ou les services de tournée. Objectif affiché : dynamiser l’économie locale et créer des opportunités pour les Tanzaniens. Mais cette décision pourrait tendre les relations avec ses voisins, notamment le Kenya.

 

Une mesure pour protéger les locaux

 

Le gouvernement tanzanien justifie cette interdiction par la nécessité de protéger les petites entreprises locales. Les secteurs concernés, comme les salons de coiffure ou les petits restaurants, sont souvent accessibles aux entrepreneurs avec peu de capital. En les réservant aux Tanzaniens, le gouvernement espère stimuler l’emploi et les revenus des citoyens. Selon l’avis officiel, « ces activités sont essentielles pour le développement économique des Tanzaniens et doivent être protégées contre la concurrence étrangère ».

 

Cette décision s’inscrit dans une politique plus large de souveraineté économique. La Tanzanie, sous la présidence de Samia Suluhu Hassan, cherche à renforcer l’autonomie de son économie tout en attirant des investissements étrangers dans des secteurs stratégiques comme l’énergie ou les infrastructures.

 

Quels secteurs sont touchés ?

 

La liste des 15 activités interdites inclut :

- Les salons de coiffure et de beauté

- Les restaurants et cafés

- Les magasins de détail

- Les services de tournée et de guide touristique

- Les services de transfert d’argent mobile

- L’exploitation minière artisanale

- Les médias et la publicité

 

Les étrangers déjà actifs dans ces secteurs peuvent continuer jusqu’à l’expiration de leur licence. Mais aucun renouvellement ne sera accordé. Cette transition vise à éviter une rupture brutale, mais elle place de nombreux entrepreneurs étrangers dans une situation précaire.

 

Des sanctions sévères

 

Pour faire respecter cette interdiction, le gouvernement tanzanien a prévu des sanctions strictes. Les contrevenants s’exposent à une amende de 10 millions de shillings tanzaniens (environ 3 900 USD) et une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à six mois. Leurs visas ou permis de séjour pourraient également être révoqués. Les citoyens tanzaniens qui aideraient des étrangers à contourner cette règle risquent aussi des sanctions, bien que leurs détails restent flous.

 

« Cette mesure est un signal clair : la Tanzanie veut protéger ses citoyens et leurs moyens de subsistance », a déclaré un porte-parole du ministère du Commerce, cité dans le journal officiel du 28 juillet 2025. Mais cette fermeté pourrait compliquer la vie de milliers d’étrangers, notamment kenyans, qui opèrent dans ces secteurs.

 

Le Kenya monte au créneau

 

La décision a provoqué une onde de choc au Kenya, où des centaines de milliers de citoyens vivent et travaillent en Tanzanie. Nairobi a rapidement réagi, exhortant la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) à intervenir. « Cette interdiction pourrait violer les principes de libre circulation des personnes et des services au sein de l’EAC », a déclaré un responsable kenyan au Daily Nation le 30 juillet 2025. Le Kenya craint que cette mesure ne nuise aux relations économiques avec son voisin et ne pénalise ses ressortissants.

 

L’EAC, qui regroupe sept pays dont la Tanzanie et le Kenya, promeut l’intégration économique régionale. Cette interdiction pourrait être perçue comme un pas en arrière, alors que les États membres cherchent à harmoniser leurs politiques commerciales.

 

Un équilibre économique délicat

 

Sur le plan économique, cette mesure pourrait stimuler l’entrepreneuriat local, mais elle comporte des risques. Les secteurs concernés, bien que modestes, représentent une part importante de l’économie informelle tanzanienne. En 2023, l’économie informelle employait environ 70% de la main-d’œuvre urbaine, selon la Banque mondiale. En limitant la concurrence étrangère, la Tanzanie espère rediriger ces opportunités vers ses citoyens.

 

Cependant, l’exclusion des étrangers pourrait freiner les investissements dans d’autres secteurs. « La Tanzanie doit trouver un équilibre entre protectionnisme et ouverture aux investisseurs étrangers », explique l’économiste tanzanien Joseph Mwamunyange, interrogé par The Citizen le 29 juillet 2025. Une politique trop restrictive risque de décourager les partenaires régionaux et internationaux.

 

Quel avenir pour les entrepreneurs étrangers ?

 

Pour les étrangers déjà établis, l’avenir est incertain. Beaucoup devront se réorienter vers d’autres secteurs ou quitter le pays à l’expiration de leur licence. Cette transition pourrait être particulièrement difficile pour les petites entreprises, souvent gérées par des communautés est-africaines voisines, comme les Kényans ou les Ougandais.

 

En parallèle, la Tanzanie devra renforcer le soutien aux entrepreneurs locaux pour combler le vide laissé par les étrangers. Des programmes de formation et d’accès au crédit pourraient être nécessaires pour garantir le succès de cette politique.

 

Une décision à suivre de près

 

L’interdiction tanzanienne marque un tournant dans la politique économique du pays. Si elle vise à protéger les citoyens, elle soulève des questions sur l’intégration régionale et l’attractivité de la Tanzanie pour les investisseurs. Les mois à venir seront cruciaux pour évaluer son impact réel, tant sur l’économie locale que sur les relations avec les partenaires de l’EAC.

 

Pour l’heure, cette mesure rappelle une vérité économique universelle : protéger les intérêts nationaux est un exercice d’équilibre, où chaque décision a des répercussions bien au-delà des frontières.