En mai 2025, l’administration Trump a relancé une idée controversée : taxer à hauteur de 3,5% les transferts d’argent effectués par les non-citoyens américains vers l’étranger. L'imminence de l'entrée en application de cette disposition (à partir de 2026), inscrite dans le vaste projet de loi surnommé le « Big Beautiful Bill », suscite une onde d’inquiétude croissante dans les pays en développement, notamment en Afrique. Car si cette taxe vise officiellement à renforcer la sécurité nationale, ses effets collatéraux risquent de priver des millions de familles africaines de leur principale bouée de sauvetage économique.
Une mesure ciblée aux effets globaux
Adoptée le 22 mai par la Chambre des
représentants, la taxe s’applique à toute personne n’ayant pas la citoyenneté
américaine — y compris les détenteurs de cartes vertes. Concrètement, à des
frais moyens de transfert estimés à 6% s’ajoutera une surtaxe de 3,5%, portant
le coût total d’un envoi de 100 dollars à près de 10 dollars. Officiellement,
les revenus générés (estimés à 940 millions de dollars par an) serviront à
financer des projets tels que le mur frontalier avec le Mexique ou le système
antimissiles surnommé le « Dôme d’or ». En toile de fond, une volonté politique
de décourager l’immigration.
Mais pour les diasporas africaines, la mesure
résonne comme une pénalisation déguisée. À Baltimore, l’infirmière béninoise
Christelle Vignon y voit une volonté de freiner le développement du continent :
« C’est une manière de garder l’Afrique dans la pauvreté » (The Africa Report).
Les remises, levier vital pour l’Afrique
L’impact sur l’Afrique pourrait être
considérable. En 2025, la Banque mondiale estime les flux mondiaux de remises
migratoires à 704 milliards de dollars. L’Afrique subsaharienne en capte une
part significative, avec des pays comme le Nigeria, qui reçoit à lui seul 20
milliards de dollars par an, ou encore le Sénégal et le Liberia, où ces
transferts représentent respectivement 10% et 19% du PIB.
Selon une modélisation du Center for Global
Development, la nouvelle taxe américaine pourrait entraîner une baisse de 5,6%
des envois d’argent vers les pays bénéficiaires africains, soit une perte
potentielle de 2,5 milliards de dollars. Une chute qui se traduirait
concrètement, pour une famille sénégalaise recevant 100 dollars par mois, par
un manque à gagner annuel de 42 dollars. Ce montant peut sembler dérisoire,
mais il représente une ponction directe sur des budgets familiaux souvent
construits autour de moins de deux dollars par jour.
Un effet domino sur les économies locales
Au-delà des ménages, les économies nationales
pourraient aussi encaisser le choc. Les remises migratoires ne sont pas de
simples soutiens ponctuels : elles jouent un rôle stabilisateur essentiel. Au
Nigeria, leur réduction pourrait affecter la valeur du naira et renchérir les
importations. Au Kenya, où elles représentent 3% du PIB, la consommation
intérieure pourrait être affectée, freinant la croissance. En ajoutant à cela
les droits de douane américains (entre 10% et 20% sur certains produits
africains), la pression devient plus systémique que conjoncturelle.
L’économiste Dambisa Moyo résume la situation
dans les colonnes du Financial Times : « C’est un coup dur pour les économies
fragiles. » Le risque est double : contraction de la demande locale et
amplification des inégalités. En effet, les populations les plus pauvres,
totalement dépendantes de ces envois, seront les premières touchées. Le Center
for Global Development alerte : les ménages aisés s’en sortiront, les autres
risquent de basculer dans la précarité.
Vers une informalisation croissante des flux
Face à ce surcoût, une partie des migrants
pourrait se détourner des circuits traditionnels pour recourir à des moyens
alternatifs : messagers, réseaux d’intermédiaires, cryptomonnaies. Si ces
options permettent d’éviter les taxes, elles s’accompagnent de risques réels :
fraudes, extorsions, insécurité. Amadou Sy, de la Brookings Institution, met en
garde : « Le marché noir expose à la fraude et à l’extorsion. »
Par ailleurs, la généralisation de ces canaux
informels pourrait priver les États africains de données essentielles pour la
planification économique et la mobilisation fiscale. Moins de transparence
signifie aussi moins de contrôle sur les flux financiers transnationaux.
Une taxe aussi controversée que symbolique
Aux États-Unis, la taxe est défendue comme un
outil de financement de la sécurité nationale. Pourtant, ses recettes ne
pèseront que très peu dans les quelque 150 milliards de dollars nécessaires aux
projets frontaliers. En Afrique, le rejet est quasi unanime. Le quotidien
indien Mint l’a qualifiée de « ni belle ni grande », tandis que certains pays,
comme le Sénégal ou le Nigeria, envisagent de porter la question sur le plan
diplomatique — sans grand espoir d’être entendus.
La société civile s’organise malgré tout. À New
York, des associations de la diaspora nigériane préparent des actions de
sensibilisation. Adebayo Ogun, figure communautaire, l’affirme : « Nous ne
pouvons pas rester silencieux. » Mais les leviers d’influence des pays
africains sur la politique intérieure américaine restent limités.
Une crise, mais aussi une opportunité ?
À moyen terme, cette taxe pourrait encourager
l’émergence de solutions alternatives. Des plateformes numériques à faible coût
comme Wave ou Chipper Cash gagnent du terrain. Toutefois, leur accessibilité
reste inégale, notamment dans les zones rurales. Les gouvernements africains
pourraient saisir cette crise pour renforcer leur lien avec les diasporas, à
travers des produits financiers spécifiques : obligations de la diaspora,
comptes d’épargne à taux préférentiels, incitations à l’investissement local.
L’économiste Fatima Diallo, de l’Université de
Lagos, propose une voie constructive : « Il faut transformer cette crise en
opportunité. »
Le début d’un tournant ?
La taxe sur les transferts d’argent ne devrait
pas, selon les experts, atteindre son objectif principal : dissuader
l’immigration. Michael Clemens, du Center for Global Development, rappelle
qu’aucune mesure de ce type n’a jamais eu d’effet dissuasif significatif. En
revanche, elle pourrait accélérer l’appauvrissement de nombreuses communautés
africaines et accentuer la vulnérabilité de pays qui dépendent déjà de manière
structurelle des remises.
En définitive, cette taxe ne relève pas seulement
d’un choix fiscal. Elle illustre une fracture croissante entre une vision
sécuritaire du monde et les nécessités économiques des pays du Sud. Pour
l’Afrique, le défi est immense : préserver une source de revenu essentielle
tout en bâtissant des alternatives viables et durables. Mais une chose est sûre
: l’équilibre économique de millions de foyers est désormais suspendu à une
décision votée à des milliers de kilomètres.
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