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  • 21/07/2025

Économie / Ghana : La Banque centrale confiante face à une relance sous tension

Après des années de turbulences, l’économie ghanéenne montre des signes de redressement, selon un communiqué du Comité de politique monétaire (MPC) de la Banque du Ghana daté du 18 juillet 2025. Inflation en baisse, excédent commercial record et appréciation du cedi marquent une amélioration notable. Pourtant, des défis structurels et un contexte mondial incertain rappellent que cette reprise reste fragile. Analyse d’une économie à la croisée des chemins.

 

Inflation maîtrisée : un progrès significatif

 

L’inflation a chuté à 13,7% en juin 2025, contre 23,8% en décembre 2024, marquant le niveau le plus bas depuis mi-2022. Cette baisse, qualifiée de « désinflation solide » par le MPC, résulte d’une politique monétaire rigoureuse, avec un taux directeur maintenu à 28%. Si cette stratégie a stabilisé les prix, elle pèse sur l’accès au crédit, limitant l’investissement privé. « Les mesures d’inflation sous-jacente montrent un recentrage des anticipations », note la Banque centrale, signalant une confiance accrue dans la gestion monétaire. 

 

Cette amélioration, bien que notable, reste à consolider. Comparée à la moyenne ouest-africaine de 12%, l’inflation ghanéenne demeure élevée, et la Banque centrale devra maintenir sa vigilance pour éviter un rebond. Cette stabilisation des prix ouvre toutefois la voie à une analyse plus large de la dynamique économique.

 

Une croissance modeste, mais mieux équilibrée

 

Le PIB ghanéen a progressé de 5,3% au premier trimestre 2025, selon le MPC, avec une performance hors pétrole particulièrement robuste à 6,8%, portée par l’agriculture et les services. Ce rééquilibrage réduit la dépendance historique au secteur extractif, un point positif après des années de volatilité liée aux cours des matières premières. 

 

Cependant, les prévisions restent prudentes. Le FMI et la Banque africaine de développement anticipent une croissance de 4,3 à 4,5% pour 2025, contre 5,7% en 2024, en raison du ralentissement de la demande mondiale. Comparé au Nigeria, où la croissance stagne sous les 3%, le Ghana affiche une résilience relative, mais les contraintes sur le crédit limitent le potentiel des petites entreprises. Cette dynamique de croissance modeste pave la voie à un autre indicateur clé : le commerce extérieur.

 

Commerce extérieur : un excédent historique

 

Le Ghana a enregistré un excédent commercial de 5,6 milliards de dollars au premier semestre 2025, un record comparé au précédent pic de 4,2 milliards de dollars en 2019. Cet excédent, couplé à un surplus du compte courant de 3,4 milliards de dollars, reflète des entrées massives de devises tirées de l’or, du cacao et des envois de fonds, selon Reuters (18 juillet 2025). 

 

Les réserves internationales ont atteint 11,1 milliards de dollars, couvrant 4,8 mois d’importations, contre 8,98 milliards de dollars (3,5 mois) fin 2024. Cette montée des réserves renforce la capacité du Ghana à absorber les chocs externes, mais elle reste vulnérable à la volatilité des prix des matières premières. Ces gains commerciaux ont également soutenu la monnaie nationale, un autre pilier de la reprise.

 

Le cedi rebondit, mais reste sous pression

 

Depuis janvier 2025, le cedi s’est apprécié de 42% face au dollar, porté par l’afflux de devises et une meilleure perception du risque-pays. Ce rebond reflète un retour progressif de la confiance des investisseurs, selon le MPC. Cependant, la Banque centrale met en garde contre des « conditions financières mondiales tendues » et une « désinflation potentiellement irrégulière », soulignant les risques d’une volatilité persistante. 

 

Par rapport à la Côte d’Ivoire, où le franc CFA reste stable grâce à son ancrage à l’euro, le cedi ghanéen demeure plus exposé aux fluctuations. Cette appréciation, bien que bienvenue, ne résout pas les difficultés d’accès au crédit pour les entreprises locales, freinant la croissance inclusive. Ces tensions financières renvoient à un autre défi majeur : la gestion de la dette.

 

Le poids de la dette : un fardeau allégé, mais persistant

 

Grâce à un accord de restructuration signé en juin 2025 avec les créanciers du Club de Paris, le Ghana a étalé 2,8 milliards de dollars de dettes jusqu’en 2043 à des taux préférentiels de 1 à 3%. Cet accord a conduit Fitch à relever la note souveraine à B- avec perspective stable, signalant une amélioration de la solvabilité. 

 

Cependant, la dette publique, estimée entre 66 et 70% du PIB, reste un obstacle. Les taux d’intérêt bancaires, souvent supérieurs à 27%, entravent le financement des entreprises et des ménages. Cette situation, bien qu’améliorée, limite la capacité du Ghana à investir dans des secteurs clés, exposant des fragilités structurelles plus profondes.

 

Des défis structurels à surmonter

 

Malgré ces avancées, plusieurs obstacles menacent la pérennité de la reprise. Le déficit budgétaire, oscillant entre 4 et 5% du PIB, reste élevé. Le secteur bancaire, plombé par des créances douteuses, demeure fragile. Enfin, le chômage des jeunes, touchant 19% des 15-24 ans selon l’Organisation internationale du travail, alimente des tensions sociales, notamment dans des villes comme Accra et Kumasi. La Banque mondiale estime que 50% des Ghanéens resteront vulnérables à la pauvreté d’ici 2027 sans réformes ambitieuses. 

 

Ces défis exigent des mesures audacieuses, comme des programmes de formation professionnelle ou des incitations fiscales pour les PME, pour transformer les gains conjoncturels en croissance durable. Ces enjeux structurels posent la question de la viabilité à long terme de la reprise.

 

Vers une reprise durable ?

 

La Banque centrale affiche un optimisme prudent, soulignant des fondamentaux en amélioration et une confiance croissante. « Nous sommes engagés à soutenir la reprise sans compromettre les acquis obtenus », conclut le MPC. Pourtant, la dépendance aux matières premières, les tensions financières mondiales et les faiblesses structurelles rappellent que le chemin reste semé d’embûches. 

 

Le Ghana peut-il convertir ses progrès conjoncturels en une croissance inclusive, ou risque-t-il de retomber dans l’instabilité face aux pressions externes ? La réponse dépendra de sa capacité à diversifier son économie, à investir dans l’éducation et l’innovation, et à maintenir une discipline budgétaire rigoureuse.

 

En somme, le Ghana émerge progressivement de la crise économique, porté par une inflation en recul, un cedi renforcé et un excédent commercial historique. Mais cette reprise, bien que prometteuse, reste vulnérable aux chocs externes et aux défis internes. Pour consolider ses acquis, le pays devra accélérer les réformes structurelles et adopter une vision stratégique, sous peine de voir ses progrès s’essouffler.