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  • 23/07/2025

Guinée équatoriale : le pétrole décline, la nature attend son heure

La Guinée équatoriale ralentit. Portée pendant deux décennies par l’exploitation pétrolière, l’économie du pays cale : +0,9% de croissance en 2024, contre +5,1% l’année précédente. Dans sa Mise à jour économique 2025, la Banque mondiale dresse un constat clair : le modèle fondé sur les hydrocarbures arrive à bout de souffle, et le pays doit impérativement réinventer sa trajectoire en capitalisant sur ses autres ressources, à commencer par son capital humain et forestier.

 

Une croissance asphyxiée, une pauvreté persistante

 

Malgré un léger rebond des secteurs industriel et des services, la dynamique économique s’essouffle. L’inflation s’est aggravée, passant de 2,4% à 3,4% entre 2023 et 2024, sous l’effet notamment de la flambée des prix alimentaires. Les ménages en subissent les conséquences : près de 57% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté international (6,85 dollars/jour en PPA 2017).

 

Les déséquilibres budgétaires et extérieurs se creusent, faute de recettes suffisantes. En cause : la baisse des exportations d’hydrocarbures, qui constituent encore plus de 80% des revenus de l’État et près de 46% du PIB. Le déclin de la rente pétrolière pèse lourd, d’autant plus que le capital naturel non renouvelable a fondu de 30% entre 2005 et 2020.

 

Un capital physique impressionnant, mais un capital humain en souffrance

 

La Banque mondiale rappelle que les investissements publics massifs post-boom pétrolier ont permis de multiplier par 100 le capital physique entre 1995 et 2020 : infrastructures routières, bâtiments publics, équipements. Mais cette accumulation matérielle contraste avec les lacunes dans l’éducation et la santé. Les indicateurs sociaux se sont améliorés, mais restent inférieurs aux standards des pays à revenu équivalent.

 

« Il est impératif de mettre en œuvre des réformes globales pour diversifier l’économie, en utilisant les riches atouts du pays, notamment le secteur forestier », avertit Juan Diego Alonso, représentant résident de la Banque mondiale en Guinée équatoriale.

 

Le secteur forestier : un atout sous-estimé

 

La forêt équato-guinéenne couvre encore plus de 94 % du territoire, malgré une érosion progressive depuis 2000. Outre le bois et les produits sauvages qui soutiennent l’économie rurale, les forêts assurent des fonctions vitales pour l’équilibre écologique : séquestration du carbone, régulation des sols, préservation de la biodiversité.

 

Mais ces services écosystémiques sont fragilisés par la perte et la dégradation des espaces boisés. D’où l’urgence, selon le rapport, d’élaborer une stratégie nationale d’utilisation durable des terres, intégrant agriculture responsable, tourisme vert, accès à l’énergie propre et valorisation forestière.

 

Transition verte et justice climatique

 

La Banque mondiale insiste sur la nécessité d’un soutien financier international plus ambitieux. Les pays du bassin du Congo, dont la Guinée équatoriale, contribuent de manière décisive à la régulation du climat mondial via la préservation de leurs forêts. À ce titre, ils doivent être équitablement rémunérés pour ces services, à travers des mécanismes de compensation carbone ou des financements verts.

 

« La Guinée équatoriale peut stimuler la croissance et la création d'emplois en exploitant les services écosystémiques forestiers dans les secteurs de la transformation du bois, de l'écotourisme et de l’agriculture », explique Djeneba Doumbia, économiste pays et autrice principale du rapport.

 

Une équation à résoudre : comment financer l’après-pétrole ?

 

La Guinée équatoriale se trouve à un tournant stratégique. Sans véritable diversification, la chute du pétrole pourrait entraîner un recul social et économique brutal. Mais pour réussir cette transition, le pays devra mobiliser non seulement ses ressources naturelles, mais surtout renforcer son capital humain, réformer sa gouvernance et sécuriser des financements internationaux durables.

 

Le pays a tiré parti de ses richesses pétrolières pour moderniser ses infrastructures. Mais cela ne suffit plus. Le développement futur de la Guinée équatoriale passera par une utilisation intelligente de son capital naturel, un investissement massif dans l’humain, et un positionnement stratégique sur la scène climatique mondiale.