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  • 04/08/2025

La BCEAO serre la vis sur les flux financiers : Ce que ça change pour l’UEMOA

La Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a publié, le 1er août 2025, une série d’instructions majeures pour encadrer les opérations financières et commerciales entre les huit pays de l’UEMOA et le reste du monde. Ces mesures, alignées sur le nouveau Règlement n°06/2024/CM/UEMOA adopté en décembre 2024, visent à renforcer la transparence et la stabilité économique dans une région où le franc CFA reste au cœur des débats. Mais que signifient-elles concrètement pour les entreprises, les banques et les citoyens ?

 

Des règles pour plus de contrôle

 

Les nouvelles instructions, numérotées de 01 à 15-07-2025-RFE, imposent des obligations strictes aux acteurs financiers. Les banques doivent désormais produire des rapports périodiques dans un format standardisé, avec des délais précis, pour mieux tracer les flux d’argent. Les mouvements de devises hors de l’UEMOA, qu’il s’agisse d’espèces ou de chèques, nécessitent des déclarations détaillées. « Ces mesures visent à sécuriser notre système financier face aux risques de fraude et de blanchiment d’argent », explique un communiqué officiel de la BCEAO daté du 1er août 2025.

 

Les institutions financières doivent aussi justifier les fonds détenus dans des banques étrangères hors UEMOA. Par exemple, l’Instruction n°12-07-2025-RFE exige une déclaration claire de ces soldes, une première dans la région. De plus, certaines transactions avec des non-résidents nécessitent désormais une autorisation préalable de la BCEAO, selon l’Instruction n°11-07-2025-RFE.

 

Pourquoi ces changements ?

 

Ces règles s’inscrivent dans un contexte économique mondial tendu. Avec la montée des risques financiers internationaux, l’UEMOA cherche à protéger ses économies. Le franc CFA, arrimé à l’euro, dépend d’une gestion rigoureuse des réserves de change, centralisées par la BCEAO. Le nouveau règlement, adopté le 20 décembre 2024, modernise les normes de 2010 pour répondre aux standards internationaux, tout en préservant la stabilité monétaire.

 

« La BCEAO veut mieux contrôler les flux pour éviter les fuites de capitaux et renforcer la confiance des investisseurs », analyse Amadou Sy, économiste et ancien directeur de l’Institut africain des finances, dans une interview au Jeune Afrique en janvier 2025. Ces mesures pourraient aussi faciliter l’intégration des données dans les statistiques de la balance des paiements, notamment via l’Instruction n°10-07-2025-RFE, qui impose la domiciliation des investissements étrangers.

 

Un impact direct sur les entreprises

 

Pour les entreprises opérant dans l’UEMOA, ces règles signifient plus de paperasse. Les importateurs et exportateurs doivent désormais fournir des justificatifs détaillés pour leurs transactions internationales. Les bureaux de change et les institutions financières non bancaires, comme les fintechs, sont aussi concernés. « Cela va augmenter nos coûts opérationnels, mais c’est le prix à payer pour un marché plus sûr », confie Awa Diop, PDG d’une PME sénégalaise d’import-export, dans un entretien avec Sika Finance le 2 août 2025.

 

Les comptes en devises pour les non-résidents, encadrés par l’Instruction n°09-07-2025-RFE, pourraient compliquer les démarches pour les investisseurs étrangers. Cependant, certains y voient une opportunité. « Ces règles clarifient le cadre pour les investisseurs sérieux, ce qui peut attirer des capitaux de qualité », estime Kofi Mensah, analyste financier basé à Abidjan, dans une chronique pour Financial Afrik publiée le 3 août 2025.

 

Des défis pour les banques

 

Les banques, au cœur de ces réformes, devront adapter leurs systèmes. La production de rapports harmonisés et la justification des actifs à l’étranger exigent des investissements en technologie et en formation. « C’est un défi, mais aussi une chance de moderniser nos pratiques », note un cadre de la Société Générale Côte d’Ivoire, sous couvert d’anonymat, dans un article de La Tribune Afrique du 3 août 2025.

 

Et pour les citoyens ?

 

Pour le grand public, l’impact sera moins direct, mais notable. Les transferts d’argent vers l’étranger, comme pour les étudiants ou les familles, pourraient nécessiter plus de justificatifs. Les voyageurs transportant des devises devront aussi se plier à des déclarations rigoureuses. « C’est une contrainte, mais cela protège notre économie », explique un responsable de la BCEAO dans une note officielle.

 

Un tournant pour l’UEMOA

 

Ces instructions marquent un tournant pour l’UEMOA. En renforçant le contrôle des flux financiers, la BCEAO veut bâtir un système plus robuste face aux incertitudes mondiales. Mais le succès dépendra de la capacité des acteurs à s’adapter. Si les entreprises et les banques jouent le jeu, l’UEMOA pourrait devenir un modèle de stabilité financière en Afrique. Sinon, le risque est une bureaucratie accrue sans résultats concrets.

 

Pour l’heure, les regards se tournent vers Dakar, où la BCEAO peaufine déjà ses prochaines réformes. Une chose est sûre : dans un monde économique en mutation, l’Afrique de l’Ouest ne reste pas immobile.