En 2023, les Maliens de l’étranger ont transféré 700 milliards FCFA — soit 1,15 milliard de dollars — vers leur pays d’origine. Dans un contexte de crise multiforme, ces envois de fonds, représentant 5% du PIB, apparaissent comme une bouée de secours pour l’économie malienne. Mais peuvent-ils réellement devenir un levier de développement durable ?
Une diaspora enracinée malgré la distance
Éparpillés aux quatre coins du globe, les Maliens
de la diaspora forment une communauté estimée entre 4 et 6 millions de
personnes. Plus de la moitié vit en Afrique de l’Ouest — en Côte d’Ivoire, au
Sénégal, en Mauritanie ou encore au Niger. En Europe, la France accueille
environ 120 000 Maliens, souvent originaires de la région de Kayes, tandis que
l’Espagne en recense près de 27 000, majoritairement en Catalogne. En Algérie,
on compte quelque 50 000 Maliens, dont environ un millier d’étudiants.
Les États-Unis et le Canada abritent quant à eux
des communautés plus restreintes mais actives. Partout, la même constante : un
lien fort, parfois viscéral, avec le pays d’origine. Un attachement visible
lors du Forum international de la Diaspora (FID), tenu à Bamako du 17 au 19
juillet 2025, où quelque 500 participants venus de 77 pays ont échangé sur leur
rôle dans la reconstruction du Mali.
Une manne financière vitale
Selon les données croisées de la Banque mondiale
et du ministère malien de l’Économie, les transferts de fonds de la diaspora
ont atteint en 2023 le seuil symbolique des 700 milliards FCFA. Cela place le
Mali au 9e rang africain en matière de ressources issues de la diaspora. Ces
fonds financent une multitude de besoins : frais scolaires, alimentation, soins
de santé, infrastructures communautaires. À Gao, par exemple, un dispensaire a
récemment vu le jour grâce à l’apport d’expatriés.
Pourtant, ce chiffre officiel ne raconte pas
toute l’histoire. Une part importante des flux échappe aux radars statistiques.
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) souligne que les
transferts informels — opérés via des circuits familiaux ou amicaux — restent
largement sous-estimés. En 2021, les envois de fonds atteignaient encore 973
millions de dollars. La légère baisse enregistrée en 2023 reflète les effets de
l’inflation mondiale et les séquelles des sanctions de la CEDEAO, levées en 2022.
Une économie sous tension
Ces transferts arrivent dans un contexte
économique dégradé. Depuis 2012, le pays fait face à une insécurité chronique,
à des conflits armés persistants et à des chocs climatiques de plus en plus
fréquents. En 2023, l’inflation atteignait 5%, grignotant le pouvoir d’achat
des ménages. Les sanctions imposées en 2021 par la CEDEAO, après le coup
d’État, ont coûté au pays 4% de son PIB en 2022.
Malgré une croissance annoncée à 4% en 2024, la
pauvreté ne recule pas. Elle touche environ 18% de la population,
particulièrement pendant la saison creuse. Dans ce contexte, les envois de
fonds représentent un filet de sécurité pour des milliers de familles.
Toutefois, leur effet structurel reste limité : selon l’Institut national de la
statistique du Mali (INSTAT), seuls 5% de ces fonds servent à financer des
activités productives comme l’agriculture ou les petites entreprises.
Une dynamique bridée par les obstacles
Le potentiel transformateur de la diaspora reste
largement sous-exploité. Créer une entreprise au Mali relève souvent du
parcours du combattant. Lourdeurs administratives, insécurité juridique, frais
de transferts bancaires dissuasifs : autant de freins qui découragent
l’investissement. Pourtant, les compétences existent.
Le programme TOKTEN permet, par exemple, à des
professionnels maliens de la diaspora d’effectuer des missions temporaires dans
le pays. En 2023, un ingénieur basé à Paris a ainsi formé des agriculteurs à
Bamako, avec des résultats probants. Mais ces initiatives, souvent isolées,
peinent à essaimer.
Vers une meilleure canalisation des fonds ?
C’est l’un des enjeux clés du Forum international
de la Diaspora 2025, qui s’est tenu à Bamako sous le thème « Les enjeux et
défis pour une diaspora au cœur du développement économique national ». Le
Premier ministre Abdoulaye Maïga y a appelé à transformer les envois de fonds
en investissements durables.
Parmi les mesures proposées : un guichet unique à
l’Agence pour la promotion des investissements (API-Mali), des exonérations
fiscales ciblées, et la création d’une banque d’investissement dédiée à la
diaspora. Le forum a aussi mis en avant la nécessité d’une approche régionale,
à travers l’Alliance des États du Sahel (AES).
Selon les organisateurs, unir les diasporas
sahéliennes pourrait renforcer la résilience collective de la région. À noter
également que la Constitution malienne de 2023 garantit désormais une
représentation parlementaire aux Maliens de l’étranger, une avancée symbolique
mais porteuse de potentiel.
Diversité, solidarité et engagement
De Paris à Nouakchott, de Barcelone à Montréal,
les Maliens de la diaspora exercent dans des secteurs variés : BTP,
agriculture, services à la personne, restauration ou transport. Beaucoup
travaillent dans des métiers précaires, notamment en France où ils sont
nombreux dans le nettoyage ou la garde d’enfants. Mais partout, l’esprit de
solidarité reste vivace. Le Haut Conseil des Maliens de l’Extérieur (HCME),
créé en 1991, continue de jouer un rôle actif dans le financement de projets
communautaires et l’accompagnement des expatriés.
De la survie à la relance : un changement de cap
nécessaire
Les 700 milliards FCFA transférés chaque année
sont une planche de salut, mais ils ne suffisent pas à eux seuls à relancer une
économie à bout de souffle. Des initiatives comme le programme TOUNKARANKÉ, qui
lutte contre la migration irrégulière, ou les projets soutenus par l’Union
européenne pour encourager l’entrepreneuriat, vont dans la bonne direction.
Mais tant que les freins institutionnels et les blocages administratifs ne
seront pas levés, ces fonds resteront cantonnés à des usages de survie.
Mobiliser durablement la diaspora malienne ne
relève pas d’un simple discours politique. Cela exige une vision claire, des
outils adaptés et surtout, une volonté ferme de réformer en profondeur
l’environnement économique du pays. Sans cela, les milliards continueront de
s’envoler… sans jamais vraiment décoller.
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