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  • 13/10/2025

Sénégal : Quand la dette fait douter les investisseurs

Les investisseurs ont sanctionné la nouvelle dégradation de la note du Sénégal par Moody’s. L’agence américaine a abaissé vendredi dernier la note souveraine du pays à Caa1, avec perspective négative, en raison d’un risque accru de liquidité. Résultat immédiat : les obligations internationales du Sénégal ont chuté dès ce lundi matin.

 

Selon les données de Tradeweb citées par Reuters, l’emprunt en euros du Sénégal arrivant à échéance en 2037 a perdu près d’un centime, tombant à 64,4 centimes d’euro. En langage de marché, cela signifie que 100 € de dette sénégalaise s’échangent désormais autour de 64 €, un signe clair que les investisseurs anticipent un risque de non-remboursement ou de restructuration plus élevé.

 

Une confiance ébranlée

 

Moody’s justifie sa décision par les difficultés de trésorerie et les besoins de financement élevés du pays. L’agence note qu’elle prévoit encore un soutien du Fonds monétaire international (FMI), mais reconnaît que sa confiance dans ce scénario s’est affaiblie.

 

« Bien que notre scénario de base anticipe un appui du FMI sans restructuration, notre confiance dans cette issue s’est réduite », a déclaré Moody’s dans sa note officielle.

 

Cette phrase a suffi à refroidir les marchés. En finance, la confiance est un capital aussi fragile que précieux : quand une agence de notation exprime un doute, les investisseurs réévaluent instantanément le prix du risque.

 

Le poids de la dette

 

Selon les dernières estimations, la dette publique sénégalaise avoisinerait 119% du PIB en 2024. Ce niveau, combiné à des recettes budgétaires limitées et à des taux d’intérêt en hausse, crée une pression durable sur les finances publiques.

 

Les analystes redoutent un effet boule de neige : plus les taux augmentent, plus la dette coûte cher à rembourser, et plus la crédibilité financière du pays s’érode. Ce cercle vicieux complique aussi les discussions avec les partenaires techniques et financiers.

 

Ce que cela signifie concrètement

 

Une baisse du prix des obligations se traduit par un rendement plus élevé exigé par les investisseurs. Autrement dit, si le Sénégal souhaite emprunter à nouveau sur les marchés, il devra payer plus cher pour attirer les prêteurs.
À court terme, cela augmente le coût du financement de l’État et pourrait contraindre le gouvernement à réduire ses dépenses ou différer certains projets publics.

 

C’est ce qu’on appelle la « prime du risque » : une forme de méfiance tarifée. Plus le marché doute, plus il fait payer cher sa confiance.

 

Les marges de manœuvre

 

Le gouvernement sénégalais assure que la situation reste sous contrôle et mise sur la poursuite du programme avec le FMI pour restaurer la confiance. Mais la route est étroite.
Les marges budgétaires sont limitées, et les investisseurs étrangers suivent de près la capacité du pays à honorer ses prochaines échéances sans recours à des restructurations ou reports de paiement.

 

Pour redresser la situation, les économistes recommandent :

  • plus de transparence dans la gestion de la dette,
  • une priorisation des dépenses essentielles,
  • et la négociation rapide d’un soutien renforcé du FMI.

 

Un signal pour toute l’Afrique de l’Ouest

 

Ce déclassement n’affecte pas que le Sénégal. Il envoie un signal à toute la zone UEMOA, déjà confrontée à la flambée des coûts d’emprunt.
Il rappelle aussi que la crédibilité financière d’un État africain se joue désormais sur les marchés mondiaux — là où la confiance se gagne difficilement et se perd en quelques heures.

 

En résumé, la dégradation de Moody’s n’est pas une simple formalité administrative.
C’est un test de crédibilité financière.
Et pour le Sénégal, l’enjeu est désormais de rassurer rapidement les marchés avant que la « prime du doute » ne se transforme en prime de risque durable.