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  • 22/07/2025

Burkina Faso : La finance publique et la donnée statistique au service de la souveraineté

Le Conseil des ministres du Burkina Faso, tenu le 16 juillet 2025, a marqué une inflexion importante dans la manière dont le gouvernement entend piloter son développement. À travers l’adoption de plusieurs rapports et projets de décret, l’exécutif burkinabè mise sur deux leviers structurels : la consolidation de la Caisse des Dépôts et d’Investissements du Burkina Faso (CDI-BF) et la modernisation du Système statistique national. Deux piliers techniques, complémentaires, censés traduire en actes une volonté politique affirmée de reprendre la main sur les dynamiques économiques internes.

 

La CDI-BF enregistre ses premiers résultats et affirme ses ambitions

 

Dans un contexte régional marqué par des besoins croissants en financement du développement, la CDI-BF, bras financier stratégique de l’État burkinabè, a présenté ses états financiers pour l’année 2024. Ceux-ci font ressortir un résultat net bénéficiaire de 916 368 096 FCFA (1,6 million de dollars), traduisant une première phase d’activité maîtrisée.

 

Mais au-delà du résultat comptable, c’est l’orientation des investissements qui attire l’attention. Conformément à son mandat de catalyseur du développement, la Caisse a engagé des opérations à fort impact dans des secteurs jugés prioritaires. Elle a notamment participé au renforcement du capital de la Banque agricole du Faso (BADF), renforçant ainsi le dispositif de financement du monde rural.

 

Autre initiative structurante : la co-création de FASO-Ré, un nouvel outil de mobilisation de l’épargne nationale, visant à canaliser les ressources domestiques vers des projets productifs. La CDI-BF a également procédé au rachat de l’unité industrielle pharmaceutique PROPHARM SA, une opération justifiée par la nécessité de renforcer la souveraineté sanitaire du pays. Enfin, des études ont été lancées en vue d’un programme ambitieux de promotion de l’habitat durable, avec une approche intégrée tenant compte de la chaîne de valeur du bâtiment et de la problématique du traitement des déchets.

 

Pour les prochaines années, la feuille de route s’articule autour de trois axes : amplifier les projets à fort effet de levier, ancrer territorialement les interventions, et mobiliser davantage de ressources en fonds propres et en capitaux de tiers. Cette vision vise à asseoir la légitimité de la CDI-BF dans la durée et à en faire un instrument central de l’agenda national de développement.

 

Une réforme en profondeur du système statistique national

 

En parallèle, le Conseil des ministres a adopté un projet de décret révisant le dispositif juridique encadrant le Système statistique national (SSN), en remplacement du décret de 2007. L’objectif affiché est clair : adapter l’appareil statistique aux exigences contemporaines, tant en termes de données que de gouvernance.

 

La réforme introduit plusieurs innovations. Elle ouvre désormais la possibilité d’utiliser, à des fins statistiques, des sources de données issues des technologies de l’information, des données géospatiales ou encore des données massives (Big Data). Ce recours à des flux informationnels modernes est destiné à améliorer la qualité et la réactivité de la production statistique publique.

 

Autre modification notable : la tenue du Conseil national de la statistique (CNS), jusque-là biannuelle, devient annuelle, avec une planification plus stratégique des actions à conduire. Cette refonte devrait permettre au Burkina Faso de disposer d’outils plus fiables pour planifier ses politiques publiques et renforcer le suivi des indicateurs socio-économiques.

 

Vers un encadrement plus strict de la production statistique

 

Toujours dans cette dynamique de rigueur, un second décret vient préciser les modalités de demande et d’octroi du visa statistique. Ce visa, qui constitue une autorisation préalable, est désormais exigé pour toute opération de collecte de données individuelles à des fins statistiques, qu’elle soit conduite par un organisme public ou privé.

 

Le décret prévoit que les entités privées, non investies d’une mission de service public, sont soumises au visa dès lors que leur enquête couvre au moins une commune du territoire national. Il institue également des frais de visa et introduit un régime de sanctions et d’amendes à l’encontre des contrevenants. Ce renforcement du cadre juridique répond à la nécessité de mieux encadrer la production statistique afin de garantir sa crédibilité et d’éviter les dérives méthodologiques ou éthiques.

 

Mise en place d’un dispositif sécurisé de transmission des données

 

Enfin, un dernier décret fixe les règles relatives à la communication obligatoire des données aux autorités statistiques. Les administrations, les organismes publics, parapublics, ainsi que certaines structures privées, devront transmettre à l’Institut national de la statistique et de la démographie (INSD) les informations statistiques qu’ils détiennent.

 

Ces données, qui devront être anonymisées, comprennent notamment des listes d’unités statistiques assorties d’identifiants, issues des registres statistiques ou des bases de sondages gérées par l’INSD et les autres autorités statistiques du pays. Ce cadre vise à garantir un accès équitable à l’information statistique, tout en assurant la confidentialité et la sécurité des données.

 

Une stratégie de maîtrise des outils de développement

 

L’ensemble des textes adoptés en Conseil des ministres s’inscrit dans une stratégie cohérente : maîtriser les instruments structurels du développement, qu’ils soient financiers ou statistiques. À travers la montée en puissance de la CDI-BF et la modernisation du système statistique, le gouvernement burkinabè entend mieux piloter les politiques publiques, tout en renforçant sa souveraineté opérationnelle.

 

Dans un pays confronté à des défis majeurs en matière de sécurité, de démographie et de croissance inclusive, ces réformes apparaissent comme des outils de clarification et d’anticipation. Leur succès dépendra toutefois de leur mise en œuvre effective, de leur appropriation par les acteurs concernés, et de la capacité de l’administration à faire vivre ces nouveaux dispositifs dans la durée.