Malgré des taux directeurs relevés à plusieurs reprises par la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC), les banques commerciales continuent de prêter massivement. Le Rapport annuel 2024 de la BEAC révèle une dynamique de crédit qui résiste à toute forme de frein monétaire. Décryptage d’un paradoxe économique en zone CEMAC.
Un paysage macroéconomique en redressement
partiel
En 2024, la croissance économique de la zone
CEMAC s’est consolidée à environ 3,3%, contre 2,2% en 2023. Cette reprise est
principalement portée par le secteur non pétrolier, en hausse de 3,5%, tandis
que la production pétrolière a reculé légèrement de 0,2%. C’est ce que révèle
le Rapport annuel 2024 de la BEAC, publié en juillet 2025.
Sur le plan des prix, l’inflation a ralenti,
passant de 5,6% à 4,2% en moyenne annuelle, signe d’un apaisement relatif des
tensions inflationnistes, notamment alimentaires. La Banque centrale salue
cette évolution, attribuée en partie aux mesures de resserrement monétaire
adoptées depuis fin 2021.
Mais derrière ces chiffres encourageants se cache
un constat plus déroutant : la politique monétaire ne produit pas les effets
escomptés sur le comportement des banques.
Une politique monétaire qui prêche dans le
désert
La BEAC a relevé ses taux directeurs à plusieurs
reprises entre 2022 et 2024 pour contenir l’inflation et limiter l’accès au
crédit. Objectif : réduire la masse monétaire, freiner la demande intérieure et
éviter une surchauffe de l’économie.
Mais les banques commerciales, elles, ont suivi
une trajectoire opposée.
En 2024, les crédits bancaires à l’économie ont
explosé de +19,6%, contre +11,1% en 2023. Et ce, malgré la hausse des taux
directeurs censés freiner cette dynamique. Pire, les taux d’intérêt appliqués
aux entreprises ont même baissé, passant de 9,78% à 9,45% sur la période.
« Nous sommes dans un contexte où la politique
monétaire de la BEAC n’a pas d’impact significatif sur l’offre de crédit. Les
banques ont recours au marché interbancaire pour se refinancer et contournent
ainsi les restrictions imposées par la Banque centrale », résume un analyste du
cabinet FinAfrique, cité par Investir au Cameroun (21 juin 2025).
Le marché interbancaire comme soupape de secours
Face à la réduction des facilités accordées par
la BEAC, les banques se sont tournées vers le marché interbancaire et les
pensions livrées sur titres publics. Elles y trouvent la liquidité nécessaire
pour maintenir – voire intensifier – leurs activités de crédit.
Résultat : les crédits à court terme progressent
de +19,7%, ceux à moyen terme de +19,4%, et les crédits à long terme bondissent
de +21,2%. Au total, ce sont près de 12 670 milliards FCFA qui ont été injectés
dans l’économie par le système bancaire en 2024.
Cette situation traduit une autonomisation
croissante des banques commerciales, capables de contourner les canaux de
régulation de la BEAC.
Une croissance qui profite, mais à qui ?
Si l’abondance de crédit stimule la croissance,
elle ne bénéficie pas à tous de manière équitable. Selon les données
consolidées par la BEAC, plus de 60% des encours de crédit sont captés par les
grandes entreprises, notamment dans les télécoms, les BTP et la distribution.
Les PME et acteurs de l’économie informelle,
pourtant majoritaires dans le tissu économique de la région, peinent toujours à
accéder au financement. Le canal du crédit reste élitiste, orienté vers les
secteurs solvables.
« Il faut distinguer la croissance du crédit et
son impact social. Si l’essentiel des financements reste capté par les groupes
déjà solvables, la politique monétaire ne joue pas son rôle d’inclusion
économique », analyse le Dr Jérôme Nang dans une tribune publiée par EcoMatin
en avril 2025.
Un outil monétaire à repenser pour l’Afrique
centrale
Ce paradoxe met en lumière les limites
structurelles de la politique monétaire en Afrique centrale. Dans une région où
les marchés sont peu profonds, où la bancarisation reste faible et où les
comportements financiers sont largement informels, les instruments classiques –
taux directeurs, réserves obligatoires – perdent de leur efficacité.
En réalité, la BEAC agit dans un écosystème qui
ne répond pas aux mêmes logiques que les économies avancées. Les banques, bien
que formellement régulées, disposent de marges de manœuvre importantes pour
adapter leur comportement, souvent au détriment des objectifs de stabilité
fixés par la Banque centrale.
Un défi pour les États membres : renforcer la
coordination
La réponse ne peut venir de la seule politique
monétaire. Les États membres de la CEMAC doivent prendre leur part, notamment à
travers :
-
des politiques de soutien aux PME et à
l’innovation locale,
-
la modernisation des institutions financières
nationales,
-
une meilleure coordination entre politique
budgétaire et monétaire.
Sans cela, la BEAC continuera de jouer en solo,
sans véritable effet d’entraînement sur l’économie réelle.
Ce que l’avenir exige : lucidité, réforme, et
volonté politique
Le rapport annuel de la BEAC tire un signal
d’alarme discret mais réel. La stabilité macroéconomique affichée en 2024
masque des fragilités profondes : une transmission monétaire défaillante, une
inclusion financière en panne, et un risque croissant de déséquilibre
systémique.
« La stabilité des prix est importante, mais elle
ne suffit pas à garantir le développement inclusif », rappelait Abbas Mahamat
Tolli, ancien gouverneur de la BEAC, lors d’un colloque à Douala en 2022. Une
phrase toujours d’actualité.
En somme, la zone CEMAC affiche en 2024 une
croissance modérée, une inflation en recul, et un crédit bancaire en forte
expansion. En surface, les indicateurs sont au vert. Mais en profondeur, la
BEAC fait face à une perte d’influence sur les acteurs bancaires, et les fruits
de la croissance restent inégalement répartis.
Pour bâtir une économie plus résiliente, plus
inclusive et mieux régulée, l’Afrique centrale devra repenser en profondeur ses
outils, ses priorités et sa coordination institutionnelle.
Sans cela, la croissance actuelle risque de
rester ce qu’elle est déjà : un rebond fragile, porté par des crédits que la
Banque centrale ne contrôle plus.
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