News
  • 25/07/2025

Économie : Stabilité retrouvée ou illusion budgétaire ? Le Ghana sur le fil

Accalmie budgétaire ou poudre aux yeux ? Le gouvernement ghanéen affirme que les dépenses publiques sont orientées vers les bonnes priorités. À mi-parcours de l’année 2025, le ministère des Finances brandit un impressionnant bilan de décaissements. Analyse chiffrée et contextuelle d’un virage économique sous haute surveillance.

 

22 dépenses « stratégiques » mises en avant

 

Le 24 juillet 2025, lors de la présentation du bilan budgétaire semestriel, le ministre ghanéen des Finances, Dr. Cassiel Ato Forson, a présenté un inventaire précis de 22 lignes de dépenses majeures. Le document, diffusé largement dans la presse, vise à démontrer que « le Ghana est en train de faire les bons choix budgétaires ».

 

Parmi ces décaissements, on note :

 

-       700 millions de dollars pour le remboursement de l’Eurobond (dette extérieure);

 

-       10 milliards de cedis ghanéens (GH₵) pour les détenteurs d'obligations nationaux ;

 

-       2,9 milliards GH₵ au District Assemblies Common Fund (DACF) ;

 

-       9,1 milliards GH₵ au secteur de l’énergie pour la stabilité électrique ;

 

-       5 milliards GH₵ pour le règlement des arriérés intérieurs ;

 

-       1 milliard GH₵ pour le programme d'éducation secondaire gratuite ;

 

-       2,7 milliards GH₵ pour le système d’assurance santé (NHIS) ;

 

-       895 millions GH₵ pour la cantine scolaire nationale ;

 

-       2 milliards GH₵ pour soutenir la National Investment Bank (NIB).

 

« Ces montants sont la preuve que nous investissons dans le bien-être des citoyens tout en respectant nos engagements financiers », a défendu Dr Forson dans une déclaration reprise par MyJoyOnline.

 

Une économie en convalescence… mais vigilante

 

Depuis la grave crise économique de 2022–2023, marquée par une dévaluation brutale du cedi et un défaut de paiement, le Ghana semble avoir repris une trajectoire de stabilité.

 

-       En 2024, la croissance du PIB a rebondi à 5,7 % (contre 3,1 % en 2023), selon la Banque du Ghana.

 

-       Pour 2025, l’AfDB prévoit 4,5% de croissance, tandis que le FMI est légèrement plus prudent.

 

-       L’inflation, qui avait dépassé 50% en 2022, est retombée autour de 21% à mi-2025, mais reste bien au-dessus de l’objectif officiel.

 

D’après Reuters (24 juillet 2025), la bonne performance du premier semestre a permis de réduire le déficit budgétaire prévisionnel à 3,8% du PIB, un signal positif envoyé aux investisseurs.

 

Dépenses utiles, mais efficacité à démontrer

 

Les secteurs visés par les dépenses sont indéniablement stratégiques : éducation gratuite, subventions de santé, appui aux ménages vulnérables (LEAP), relance de la banque publique NIB, etc.

Mais la question de l’efficacité de ces dépenses reste posée.

 

« Il ne suffit pas de dépenser, il faut dépenser efficacement. Beaucoup de programmes manquent de suivi rigoureux et de mécanismes d’évaluation », alertait récemment le think tank IEA Ghana, dans un rapport sur les attentes budgétaires.

 

Le programme School Feeding, par exemple, est souvent accusé de souffrir de retards de paiement et de qualité médiocre des repas distribués. De même, l’injection de 2 milliards de cedis dans la NIB suscite des interrogations sur la viabilité de cette banque en difficulté depuis des années.

 

Soutenabilité budgétaire : fragile équilibre

 

En dépit de cette apparente générosité budgétaire, le Ghana évolue sur une corde raide :

 

-       Le service de la dette absorbe plus de 30% des recettes, selon Fitch Ratings.

 

-       Les recettes fiscales restent faibles, avec une pression fiscale inférieure à 14% du PIB.

 

-       Le pays dépend encore d’appuis extérieurs, notamment du FMI, avec qui un accord de 3 milliards de dollars est en cours d’exécution depuis 2023.

 

Le cedi a certes regagné en stabilité (+40% depuis janvier), et les réserves internationales dépassent 10 milliards de dollars, mais la dynamique reste fragile. Tout nouveau choc (hausse des prix du pétrole, instabilité politique, crise climatique) pourrait rebattre les cartes.

 

Un effort réel, mais à surveiller de près

 

Le Ghana semble enfin avoir repris le contrôle de ses finances publiques après plusieurs années de turbulences. Les dépenses sociales affichées sont en phase avec les besoins des populations.

Mais un excès d’autosatisfaction pourrait être dangereux. La bonne gouvernance, la transparence et la redevabilité restent des défis majeurs. La capacité du gouvernement à traduire ces milliards en impact concret pour les citoyens sera le véritable test.